Beulotte-Saint-Laurent
Beulotte-Saint-Laurent, niché au creux d’un joli petit vallon, tient son nom de « bulotte », qui signifie en patois comtois « le lieu où se trouve les bouleaux ». De fait, le bouleau, arbre emblématique de la région donne aux paysages cet air de steppes russes ou de forêts nordiques.
L‘église abrite un tabernacle du XVIIème siècle, un autel et des statues du XVIIIème.
Beulotte est le point de départ du « Sentier des Etangs », long de 10 kilomètres; réputé être une des plus belles balades de France qui permet de découvrir la grande variété des paysages d’étangs.
Les Cent-Sous
Beulotte-Saint-Laurent est constitué de quatre hameaux dont celui des « Cent-Sous », une des perles du plateau. Pour le rejoindre il convient de prendre sur 2 km à droite de la vierge du Reposou. On y découvre la tourbière des Grands Feings, un sanctuaire de la biodiversité.
La légende du lièvre des Cent Sous
Le lièvre des Cent Sous : « une jeune fille se rendait souvent à la veillée dans une des fermes isolées de Beulotte St-Laurent. C’est à l’une de ces veillées, qu’elle rencontra, celui qui deviendra son mari. Mais, un autre garçon l’avait remarquée, lui aussi, et n’avait pas accepté d’être évincé. Chaque soir, en revenant de la veillée, la jeune fille rencontrait sur son chemin un lièvre noir, qui apparaissait au bord de l’étang, sur un petit rocher de granit. Il tardait à disparaître et ses yeux fixes et étincelants troublaient la jeune fille au point qu’elle ne dormait plus. Elle décida de se confier à son grand-père, un chasseur réputé, qui comprit très vite que quelqu’un voulait du mal à sa petite fille et risquait de lui jeter un sort. Dès la tombée de la nuit, Auguste, le grand-père, se cacha avec son fusil, près du chemin au bord de l’étang.
A la sortie de la veillée, il aperçut sa petite fille et bientôt le lièvre aux yeux brillants. Un coup de fusil partit, le lièvre disparut, mais derrière le rocher….il n’y avait personne.
Quelques minutes plus tard, la ferme en contrebas s’illumina. Et le lendemain, on apprit que le fils de la maison s’était blessé pendant son travail. La jeune fille ne fut plus inquiétée et retrouva la Paix. ».
Breuche et sa page d’histoire.
Breuche est un autre hameau de Beulotte Saint-Laurent, célèbre pour une page d’histoire qui a profondément marqué les esprits des autochtones.
L'histoire des révoltés de Breuche-les-Loups
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Photo 1: le hameau de Breuches aujourd’hui.
Photo 2 : la croix du XVIème siècle. Cette croix a été le témoin de l’histoire relatée ci-dessous.
Photo 3 : l’étang des Gorgeots situé au-dessus du hameau et lieu où auraient été jetées les victimes.
L’histoire des révoltés de Breuche
« Quelques maisons, cinq pour être précis, un hameau sur une route écartée, niché au creux d’un vallon d’une sauvage grandeur cerné de genêts et de corots, arrosée par le Breuchin encore un ruisseau, oublié par le passant indifférent ou le touriste ignorant : Breuche-les-loups.
Qui pourrait savoir, hormis les gens du pays, qu’il y a [plus de trois siècle], le village entier fut le témoin et l’acteur d’un drame sanglant. Épisode quasiment inconnu de la conquête de la Comté par les troupes de Louis XIV, il faut ici l’écrire : il sera dans les temps lointains une légende.
Dès que Faucogney fut tombée en juillet 1674, la Comté fut française. La pacification par les troupes d’occupation commença. Après la troupe vint l’administration […] et avec l’administration arrivèrent les percepteurs avec dans leurs bagages les impôts.
En 1676, l’administration du roi Louis XIV, installée à Besançon, nouvelle capitale de la Comté, jugea le moment venu de lever l’impôt dans la Vôge. Un collecteur – percepteur – fit sans aucune difficulté les recouvrements dans les villages de la vallée du Breuchin. Lorsqu’il arriva à Breuches, il se fit promptement expulser, accompagné de ricanements, de menaces et peut-être de quelques cailloux, et on lui fit entendre que le seul impôt qui ne saurait être dû ne le serait qu’à Sa majesté très Catholique le Roi d’Espagne, seule autorité reconnue à Breuches.
Il faut se souvenir qu’à cette époque, deux ans seulement après la fin de la conquête, de vieux « montagnons » se faisaient enterrer la face contre terre et le dos tourné à Paris pour protester contre l’invasion française.
Le collecteur, déconfit, s’en fut à Faucogney pleurer dans le giron du commandant militaire de la place. Le capitaine lui conseilla de retourner à Besançon, le fait paraissant grave. Ce pouvait être là l’exemple incitant d’autres villages à résister à l’impôt, à la loi, ou au roi.
Le percepteur revint à Faucogney et ordre fut donné au Lieutenant de Marigny du régiment de la Fère et à six dragons de l’accompagner afin de le protéger et de l’assister dans ses opérations fiscales.
La troupe se présenta à Breuche la veille du jour fixé pour le recouvrement, afin que la population impressionnée par ce déploiement de force fût moins rétive à payer.
Selon l’usage, les dragons furent logés chez l’habitant, chacun dans une maison différente ; se réunirent-ils tous dans une maison pour y mener grand tapage, s’enivrer, chanter, comme c’était l’usage chez les soldats en campagne ? Il est possible aussi qu’ils aient passé la journée à piller le village. Enfin, les gens de Breuche, soumis, acceptèrent le percepteur et son escorte. Tout était calme dans la soirée du 22 avril 1676 ; les militaires ne s’aperçurent pas que les paysans un peu sauvages qui les subissaient se transformaient en conspirateurs, et tramaient dans l’ombre un complot qu’ils mirent bientôt à exécution.
Le percepteur, le Lieutenant de Marigny et ses hommes furent égorgés et aussitôt jetés dans un étang en amont du village. Depuis lors, l’étang porte le nom « des gorgeaux » [Gorgeots], les égorgés.
De mémoire d’homme, jamais un crime ou un massacre n’est demeuré entièrement caché. Il y a toujours un survivant, un témoin, un document qui attestera pour l’Histoire.
Breuche ne faillit point à la règle. Un dragon, logé dans une maison à l’extrémité du village, put s’échapper, soit qu’il fut réveillé par les bruits des luttes et les cris des victimes, soit qu’il fut aidé par la jeune fille de la maison. A demi-nu, transi de froid, tremblant de peur, il erra longtemps par les ravins et les corots , évitant Esmoulières et les fermes isolées, arrivant seulement le lendemain à Faucogney, affamé et exténué de fatigue.
Le dragon fit son rapport à l’officier commandant la place. Celui-ci, de décision prompte mais prudent, cerna immédiatement le hameau et demanda des instructions à ses chefs. L’affaire était grave. Ordre fut donné, en respectant les formalités, de procéder à une enquête, d’arrêter et d’emprisonner les coupables pour les juger.
Vingt-quatre personnes furent prévenues d’avoir participé au massacre, en fait toute la population mâle, majeure et valide. Vingt s’enfuirent dans les bois. Les quatre autres furent traduits devant le prévôt du Comté de Bourgogne. La sentence, rendue le 8 mai 1676 ne fut contradictoire qu’à l’égard des quatre présents qui payèrent de leur vie le crime de tous.
Jean Perrin, l’aîné, rompu vif, Claude Perrin l’aîné, Jacques Lesperrin et Pierre Lesperrin, frères, pendus et étranglés.
Leurs biens furent confisqués.
Les vingt autres prévenus furent poursuivis sans pitié par les dragons. Errants dans les forêts de la Vôge, affamés, fatigués, les fugitifs se cachèrent presque un an, puis sur le point d’être pris, ils envoyèrent une supplique à Louis XIV pour demander grâce. Louis XIX était un grand roi et un fin politique. Il fit grâce et désarma ainsi par cet acte de sagesse, les dernières exactions entre Comtois et Français. Le titre authentique de l’acte de grâce est déposé à la mairie de Corravillers.
Les prévenus étaient maintenant libres, mais ils durent payer des dommages et intérêts aux parents des victimes : un demi-boisseau d’or fut versé en indemnité. […].
Les Espagnols jusqu’au traité de Nimègue, pour se souvenir, ajoutèrent à Breuche l’épithète de « la Grande » ; les Comtois eux, dirent « les lions ». Quant aux Français, ils ajoutèrent « les loups », terme péjoratif certes, peut-être aussi d’admiration cachée, les loups étant toujours sauvages mais libres et indépendants.
« Ei si aujourd’hui un étranger fut-il Espagnol, venait leur dire « Comtois rend-toi ! », ils répondaient « Nenni, ma foi ! »
Ceci pour dire qu’ils mirent avec les ans, et pour toujours, leur courage et leur détermination au service de leur nouvelle patrie. »
Bernard Vuillemard extrait du « Du col des fourches à Luxeuil ».
Les étangs s’égrainent, magnifiques, de la Vierge jusqu’à Esmoulières en passant par la « Saulotte », dernier hameau de Beulotte. Peut-être verrez-vous de belles et flegmatiques limousines paître l’herbe grasse d’une prairie.